Théorie de l’autocontrôle de la criminalité

Psychologista
2 Jan, 2024

Qu’est-ce que la théorie de l’autocontrôle de Gottfredson et Hirschi ?

La théorie de l’autocontrôle de la criminalité propose que les individus ayant une faible maîtrise d’eux-mêmes sont plus enclins à commettre des crimes, car ils sont moins capables de se retenir d’avoir des impulsions et des gratifications immédiates, en dépit des conséquences négatives potentielles.

La théorie de l’autocontrôle est une théorie criminologique qui aide à expliquer pourquoi certains individus commettent des crimes (Gottfredson & Hirschi, 1990).

Selon cette théorie, les personnes qui n’ont pas reçu une éducation parentale efficace avant l’âge de 10 ans sont plus susceptibles de manquer de maîtrise de soi, ou de capacité à renoncer à des actes qui leur procurent un plaisir immédiat (Gottfredson, 2017), que celles qui ont bénéficié d’une bonne éducation parentale.

On parle de bonne éducation lorsque les parents s’occupent de leurs enfants, surveillent leur comportement et reconnaissent et punissent les écarts de conduite lorsqu’ils se produisent. Par conséquent, ceux qui n’ont pas cette forme de parentalité sont plus susceptibles de commettre un crime.

En d’autres termes, la théorie de la maîtrise de soi de la criminalité soutient que le manque de maîtrise de soi est le principal moteur du comportement criminel.

a masked criminal committing a cyber crime.

S’inscrivant dans le débat nature/nature (c’est-à-dire la mesure dans laquelle les gènes ou l’environnement jouent un rôle dans le comportement), la théorie de l’autocontrôle de la criminalité défend le rôle de l’environnement (dans ce cas, la manière dont un enfant est élevé) dans la détermination des personnes qui adopteront un comportement criminel.

Cette théorie a été développée pour la première fois par les criminologues Michael Gottfredson et Travis Hirschi en 1990.

Ils ont observé qu’il existait une forte corrélation entre l’âge et le comportement criminel, la grande majorité des individus commettant leur premier délit avant l’âge de 20 ans et la plupart des individus qui commettent des délits, en général, ayant moins de 30 ans (1983).

Gottfredson et Hirschi avaient donc des raisons de penser que quelque chose d’unique dans le développement de l’enfant motivait certains individus à avoir une forte propension à la violence et à la criminalité.

Les chercheurs ont conclu que ce facteur unique était un manque de maîtrise de soi, résultant d’une éducation parentale insuffisante.

L’absence de maîtrise de soi explique souvent les actes criminels, et cette capacité s’améliore avec l’âge, au fur et à mesure que l’individu se développe et se socialise. Ainsi, le manque de maîtrise de soi contribue à expliquer pourquoi la majorité des crimes sont commis par des personnes plus jeunes.

La théorie de l’autocontrôle de la criminalité est une théorie généralisée. Elle est donc censée s’appliquer à toutes les formes de comportement où un individu ne peut résister à la tentation d’une gratification immédiate et s’engage donc impulsivement dans une activité criminelle qui nécessite peu ou pas de planification à long terme, comme la conduite en état d’ivresse, la fraude, les petits et grands vols, les agressions et les délits contre les biens et les personnes.

Cette théorie n’est pas la première du genre. Elle découle plutôt d’un ensemble d’écrits datant des années 1950 qui classaient la théorie du contrôle social au sens large comme la manière dont la socialisation et l’apprentissage social renforcent la maîtrise de soi et réduisent la tendance à adopter un comportement antisocial (Nye, 1958).

À partir de là, Travis Hirschi a développé sa théorie des liens, selon laquelle la force des liens sociaux d’une personne détermine la probabilité qu’elle commette un délit (Hirschi, 1969), et c’est ainsi qu’est née la théorie de l’autocontrôle de la criminalité, qui se concentre spécifiquement sur le rôle des parents dans l’entrave au développement de l’autocontrôle et dans l’augmentation de la probabilité de délits mineurs.

Cette théorie repose sur quelques hypothèses concernant les individus qui commettent des délits. Elle suppose que les délinquants sont prédisposés à commettre des délits par des facteurs externes (dans ce cas, une mauvaise éducation).

Elle suppose également que, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes sujettes à la criminalité ont une probabilité beaucoup plus élevée d’enfreindre la loi que les personnes non sujettes à la criminalité.

La théorie de l’autocontrôle de la criminalité nous aide à comprendre un facteur important qui explique pourquoi les individus commettent des crimes : une éducation parentale insuffisante, qui entraîne un manque de maîtrise de soi. Mais à quoi ressemble un individu ayant une faible maîtrise de soi ?

Quelles sont les caractéristiques de cette personne ?

Comme nous le savons, les personnes qui grandissent avec des parents qui ne s’occupent pas correctement de leur comportement et ne le surveillent pas ont une faible maîtrise de soi.

Ces personnes deviennent impulsives, attirées par les tâches simples plutôt que complexes, égocentriques, à la recherche du risque, attirées par les activités physiques plutôt que mentales et colériques, entre autres caractéristiques (Gottfredson & Hirschi, 1990).

Cela ne veut pas dire que toutes les personnes ayant une faible maîtrise de soi possèdent tous ces traits ou même que les personnes ayant une faible maîtrise de soi présentent ces traits de manière identique, mais plutôt qu’il s’agit des manifestations les plus courantes d’une faible maîtrise de soi.

Réfléchir à ces caractéristiques nous permet non seulement de mieux comprendre ces personnes, mais aussi de mieux prévoir comment leur personnalité peut se traduire par des actions néfastes.

Quels sont les éléments de la théorie du contrôle de soi ?

La théorie de l’autocontrôle de la criminalité peut être décomposée en trois éléments principaux :

La thèse de la gestion/socialisation parentale

Cet élément est au cœur de la théorie de l’autocontrôle de la criminalité. Elle soutient qu’une éducation parentale inadéquate est à l’origine des faibles niveaux de maîtrise de soi.

Lorsque les parents ne surveillent pas suffisamment le comportement et ne reconnaissent pas et ne punissent pas la déviance (c’est-à-dire lorsque les parents ne présentent pas les caractéristiques de bons parents) à un stade précoce de la vie de l’enfant, cela encourage l’enfant à avoir un manque général de maîtrise de soi qui motive son activité criminelle.

Thèse de la stabilité

Cette thèse affirme que la maîtrise de soi se développe tôt dans l’enfance et reste relativement stable tout au long de la vie d’une personne après qu’elle ait atteint l’âge de 10 ans (Hay & Forrest, 2006).

Elle soutient également que non seulement la maîtrise de soi est stable dans le temps, mais qu’il en va de même pour la continuité de la délinquance. En d’autres termes, lorsqu’un individu commet son premier délit, la probabilité qu’il commette à nouveau un délit (défini comme récidive) est élevée.

Ceci est le résultat d’une hétérogénéité persistante ou de l’idée qu’il existe des différences sous-jacentes stables entre les individus qui affectent leur comportement dans toutes les situations et les rendent uniques les uns par rapport aux autres.

Thèse de la spoliation

Le troisième et dernier élément clé de la théorie de la maîtrise de soi est l’idée que de nombreuses expériences et relations sociales que les chercheurs attribuent souvent à la cause de la criminalité ne sont, en réalité, pas de véritables causes, mais plutôt des corrélats fallacieux (ou faux) de la criminalité qui est en fait le résultat d’une faible maîtrise de soi (Junger & Tremblay, 1999).

Cette thèse insiste sur le fait qu’une faible maîtrise de soi, plus que toute autre explication potentielle de la criminalité, est celle qui explique le mieux pourquoi un individu peut s’engager dans une telle activité anarchique et ne tient pas compte des autres explications.

Comment la théorie de la maîtrise de soi explique-t-elle la criminalité ?

Comme nous l’avons vu, la théorie de la maîtrise de soi permet d’expliquer pourquoi certains individus ont une plus grande propension à l’activité criminelle.

Gottfredson et Hirschi affirment que les personnes qui ont été mal éduquées avant l’âge de dix ans développent moins de maîtrise de soi parce que leurs parents n’ont pas surveillé leur comportement et ne les ont pas disciplinés en conséquence.

En raison de ce manque de maîtrise de soi, ces enfants sont plus enclins à écouter leurs impulsions immédiates et négligent de prendre en compte les conséquences à long terme qui pourraient résulter d’actions illégales.

Bien que les actions résultant d’un manque de maîtrise de soi ne soient pas propres au comportement criminel (elles peuvent être aussi simples que de donner un coup de poing à quelqu’un contre qui on est en colère), dans le contexte de la criminalité, un manque de maîtrise de soi est généralement à l’origine de délits mineurs tels que la conduite en état d’ivresse, la fraude ou les petits vols.

Cela ne signifie pas qu’un manque de maîtrise de soi ne puisse pas également entraîner certaines infractions en col blanc, telles que le blanchiment d’argent ou le détournement de fonds, ou des crimes plus graves, tels que la violence domestique ou le meurtre, mais cela tend à être moins courant.

Bien que la théorie de la maîtrise de soi avancée par Gottfredson et Hirschi se concentre principalement sur le rôle environnemental du type d’éducation que reçoit un enfant, il est également important de reconnaître le rôle de la biologie qui interagit avec ce facteur environnemental pour produire un manque de maîtrise de soi.

Le cortex préfrontal (CPF), la région du cerveau responsable du fonctionnement cognitif, contribue à la maîtrise de soi. Mais le CPF ne se développe pas complètement avant l’âge de 25 ans environ (Arain et al., 2013), ce qui fait que les jeunes enfants sont plus susceptibles d’agir de manière irréfléchie et impulsive.

Au-delà du développement du CPF, d’autres facteurs biologiques tels que les complications à la naissance, le tabagisme maternel pendant la grossesse et les polymorphismes génétiques sont également liés à un manque de maîtrise de soi (Boutwell & Beaver, 2010).

Ces facteurs biologiques et sociaux peuvent contribuer à la personnalité impulsive d’un enfant qui le pousse à commettre des délits.

Théorie de l’autocontrôle et victimisation

La recherche démontre qu’un manque de maîtrise de soi ne contribue pas seulement à l’activité criminelle, mais peut aussi souvent conduire à la victimisation d’un individu (c’est-à-dire être victime d’un crime ; Pratt et al., 2014).

Plus précisément, on a constaté qu’une faible maîtrise de soi était positivement associée à la victimisation violente et à la victimisation des biens (Ren et al., 2017). Cela révèle la complexité du rôle de la maîtrise de soi et de la criminalité – le fait d’être auteur d’un crime n’est pas le seul résultat.

Théorie de la maîtrise de soi et cybercriminalité

Au-delà des délits courants comme la conduite en état d’ivresse, le manque de maîtrise de soi motive également la cybercriminalité. Les recherches ont montré qu’une faible maîtrise de soi est positivement corrélée à la cyberdéviance en général (Holt et al., 2012).

Plus précisément, le piratage informatique est une forme courante de cybercriminalité qui résulte directement d’un manque de maîtrise de soi. Sinchul Back et ses collègues (2018) ont mené des recherches sur la maîtrise de soi et le lien social, et ont constaté que ces deux facteurs sont des prédicteurs significatifs de l’exécution d’infractions de piratage informatique.

Le piratage informatique est une voie courante pour les jeunes à faible maîtrise de soi, car il peut fournir à ces individus des formes immédiates de revenus, en particulier à un stade de la vie où il est plus difficile d’acquérir des richesses qu’à l’âge adulte (Richet, 2013).

En outre, les obstacles au piratage sont devenus beaucoup moins importants et moins complexes au fil des ans, ce qui en fait un exploit facile à réaliser et nécessitant peu de planification (Richet, 2013).

Théorie de la maîtrise de soi et violence domestique

Malheureusement, la recherche montre qu’il existe un lien entre la maîtrise de soi et la violence domestique. Une étude menée par Christine Sellers (1999) a montré qu’une faible maîtrise de soi, l’opportunité et la perception d’une gratification immédiate étaient des prédicteurs significatifs du recours à la violence dans une relation amoureuse.

Toutefois, une méta-analyse plus récente réalisée par Yayouk Williams et ses collègues (2018) n’a révélé qu’une association négative faible à modérée entre la maîtrise de soi et la violence familiale (c’est-à-dire que moins de maîtrise de soi entraîne plus de violence familiale).

Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour mieux comprendre la relation entre la maîtrise de soi et la violence familiale.

Théorie de la maîtrise de soi et tueurs en série

Bien que les délits soient certainement plus fréquents chez les personnes ayant une faible maîtrise de soi, il existe également un lien entre une faible maîtrise de soi, une mauvaise éducation et le fait d’être un tueur en série.

Les personnes qui grandissent dans un environnement négligent développent non seulement une faible maîtrise de soi, mais deviennent également incapables de nouer des relations sérieuses et recourent à des formes extrêmes de criminalité.

En conséquence, les recherches révèlent que les tueurs en série semblent avoir une faible maîtrise de soi (Zeigler, 2007).

Théorie de l’autocontrôle et criminalité en col blanc

Outre les crimes extrêmes, les personnes qui ont une faible maîtrise de soi peuvent être plus enclines à développer des attitudes qui les motivent à commettre des crimes en col blanc (Lugo, 2013).

Comme pour d’autres formes de criminalité, le manque de maîtrise de soi rend les personnes plus impulsives et moins susceptibles de prendre en compte les conséquences de leurs actes, y compris de s’engager dans des activités en col blanc, telles que le vol d’identité et le blanchiment d’argent.

Théorie de l’autocontrôle délinquance juvénile

Enfin, la théorie de la maîtrise de soi joue également un rôle dans l’explication de la délinquance juvénile au sens large. L’interaction des facteurs génétiques et environnementaux évoquée précédemment permet de comprendre pourquoi un mineur adopte un tel comportement.

En outre, un manque de maîtrise de soi permet également d’expliquer pourquoi un individu récidive (c’est-à-dire pourquoi les taux de récidive sont élevés chez les mineurs ; DeLisi & Vaugn, 2008).

Forces et faiblesses de la théorie de la maîtrise de soi

La théorie de l’autocontrôle existe depuis plus de trente ans et nous aide à mieux comprendre pourquoi certains individus sont plus susceptibles de commettre des crimes.

Cela dit, il n’y a pas suffisamment de preuves empiriques pour étayer cette affirmation. En outre, cette théorie ne permet pas d’expliquer pourquoi certains enfants élevés dans des circonstances non idéales se tournent vers la criminalité, alors que d’autres n’y parviennent pas.

Il est donc difficile de savoir dans quelle mesure cette théorie est véritablement une théorie générale de la criminalité. En outre, si les mauvaises pratiques parentales sont certainement l’un des facteurs qui contribuent à expliquer pourquoi certaines personnes ont des niveaux de maîtrise de soi plus faibles, ce n’est en aucun cas le seul facteur.

Le voisinage, l’attachement aux enseignants et aux pairs, ainsi que d’autres facteurs, jouent également un rôle important dans le développement de la maîtrise de soi.

Par conséquent, si cette théorie présente des atouts évidents pour contribuer à notre compréhension collective des raisons pour lesquelles les gens commettent des crimes, la théorie de l’autocontrôle de la criminalité ne donne pas une image complète de la situation et des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour comprendre pleinement les moteurs de l’activité criminelle.

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