Expériences de Harry Harlow sur les singes : Mère en tissu contre mère en fil de fer

Psychologista
9 Fév, 2024

Harlow (1958) a voulu étudier les mécanismes par lesquels les singes rhésus nouveau-nés se lient à leur mère.

Ces nourrissons dépendent fortement de leur mère pour la nutrition, la protection, le confort et la socialisation. Mais quelle est la base de ce lien ?

La théorie de l’apprentissage de l’attachement suggère qu’un nourrisson s’attache à une personne qui lui fournit de la nourriture. En revanche, Harry Harlow explique que l’attachement se développe grâce au « confort tactile » de la mère, suggérant que les nourrissons ont un besoin inné (biologique) de toucher et de s’accrocher à quelque chose pour se réconforter sur le plan émotionnel.

Harry Harlow a réalisé un certain nombre d’études sur l’attachement chez les singes rhésus dans les années 1950 et 1960″. Ses expériences ont pris plusieurs formes :

Expérience de la mère en tissu contre la mère en fil de fer

Expérience 1

Harlow (1958) a séparé des bébés singes de leur mère immédiatement après la naissance et les a placés dans des cages où ils avaient accès à deux mères de substitution, l’une en fil de fer et l’autre recouverte d’un tissu éponge doux.

Dans le premier groupe, la mère en tissu éponge ne fournissait aucune nourriture, alors que la mère en fil de fer en fournissait, sous la forme d’un biberon contenant du lait.

Les deux groupes de singes ont passé plus de temps avec la mère en tissu (même si elle n’avait pas de lait). Le bébé n’allait vers la mère en fil de fer que lorsqu’il avait faim.

Une fois nourri, il retournait vers la mère en tissu pendant la majeure partie de la journée. Si un objet effrayant était placé dans la cage, le nourrisson se réfugiait auprès de la mère en tissu (sa base de sécurité).

Ce substitut s’est avéré plus efficace pour atténuer la peur du jeune enfant. Le nourrisson explorait davantage en présence de la mère en tissu.

Cela confirme la théorie évolutionniste de l’attachement, en ce sens que c’est la réaction sensible et la sécurité de la personne qui s’occupe de l’enfant qui sont importantes (par opposition à la fourniture de nourriture).

Expérience 2

Harlow (1958) a modifié son expérience et a séparé les nourrissons en deux groupes : la mère en tissu éponge, qui ne fournissait pas de nourriture, et la mère en fil de fer, qui en fournissait.

Tous les singes ont bu des quantités égales et ont grandi physiquement au même rythme. Mais les similitudes s’arrêtent là. Les singes qui avaient un contact doux et tactile avec leur mère en tissu éponge se comportaient très différemment des singes dont la mère était en fil de fer.

Les différences comportementales observées par Harlow entre les singes qui avaient grandi avec des mères de substitution et ceux qui avaient des mères normales étaient les suivantes ;

  1. Ils étaient beaucoup plus timides.
  2. Ils ne savaient pas comment se comporter avec les autres singes.
  3. Ils étaient facilement intimidés et ne se défendaient pas.
  4. Ils avaient des difficultés à s’accoupler.
  5. Les femelles n’étaient pas de bonnes mères.

Ces comportements n’ont été observés que chez les singes laissés avec les mères porteuses pendant plus de 90 jours.

Pour ceux qui sont restés moins de 90 jours, les effets peuvent être inversés s’ils sont placés dans un environnement normal où ils peuvent s’attacher.

Singes rhésus élevés en isolement

Harlow (1965) a pris des bébés et les a isolés dès leur naissance. Ils n’avaient aucun contact entre eux ni avec personne d’autre.

Il en a gardé certains pendant trois mois, d’autres pendant six, d’autres pendant neuf et d’autres encore pendant la première année de leur vie. Il les a ensuite remis avec d’autres singes pour voir quel effet l’absence d’attachement avait sur leur comportement.

Les résultats ont montré que les singes avaient des comportements bizarres, comme s’agripper à leur propre corps et se balancer de manière compulsive. Ils ont ensuite été replacés en compagnie d’autres singes.

Au début, les bébés avaient peur des autres singes, puis ils sont devenus très agressifs envers eux. Ils étaient également incapables de communiquer ou de socialiser avec les autres singes. Les autres singes les maltraitaient. Ils se mutilaient, s’arrachaient les cheveux, se griffaient et se mordaient les bras et les jambes

En outre, Harlow a créé chez les singes femelles un état d’anxiété qui a eu des répercussions une fois qu’elles sont devenues parents. Ces singes devenaient tellement névrosés qu’ils écrasaient le visage de leur enfant sur le sol et le frottaient d’avant en arrière.

Harlow a conclu que la privation (c’est-à-dire le fait de ne jamais former de lien d’attachement) est un dommage permanent (pour les singes).

L’ampleur du comportement anormal dépendait de la durée de l’isolement. Les singes isolés pendant trois mois étaient les moins affectés, mais ceux qui étaient isolés pendant un an ne récupéraient jamais les effets de la privation.

Conclusions de l’étude

Des études menées sur des singes élevés avec des mères artificielles suggèrent que les liens affectifs mère-nourrisson résultent principalement du fait que les mères apportent aux nourrissons du réconfort et des contacts tactiles, plutôt que de répondre à des besoins fondamentaux tels que la nourriture.

Harlow a conclu que pour qu’un singe se développe normalement, il doit avoir une interaction avec un objet auquel il peut s’accrocher pendant les premiers mois de sa vie (période critique).

Le fait de s’accrocher est une réaction naturelle : en période de stress, le singe court vers l’objet auquel il s’accroche normalement, comme si le fait de s’accrocher diminuait le stress.

Il a également conclu que la privation maternelle précoce entraînait des dommages émotionnels, mais que son impact pouvait être inversé chez les singes si un attachement était créé avant la fin de la période critique.

Toutefois, si la privation maternelle se prolonge après la fin de la période critique, aucune exposition aux mères ou aux pairs ne peut modifier les dommages émotionnels qui se sont déjà produits.

Harlow a donc constaté que les jeunes singes souffraient de privation sociale plutôt que de privation maternelle.

Lorsqu’il a élevé d’autres bébés singes seuls, mais en les plaçant 20 minutes par jour dans une salle de jeux avec trois autres singes, il a constaté qu’ils grandissaient et devenaient tout à fait normaux sur le plan émotionnel et social.

L’impact des recherches de Harlow

Les recherches de Harlow ont aidé les travailleurs sociaux à comprendre les facteurs de risque de négligence et de maltraitance des enfants, tels que le manque de confort (et donc à intervenir pour le prévenir).

L’utilisation d’animaux pour étudier l’attachement peut être bénéfique pour les enfants les plus à risque dans la société et peut également avoir des implications économiques ultérieures, car ces enfants sont plus susceptibles de devenir des membres productifs de la société.

Éthique de l’étude de Harlow

Les travaux de Harlow ont été critiqués. Ses expériences ont été considérées comme inutilement cruelles (contraires à l’éthique) et d’une valeur limitée pour tenter de comprendre les effets de la privation sur les nourrissons humains.

Il était clair que les singes de cette étude souffraient d’un préjudice émotionnel du fait d’être élevés en isolement. Cela était évident lorsque les singes étaient placés avec un singe normal (élevé par une mère), ils restaient blottis dans un coin, dans un état de peur et de dépression persistantes.

L’expérience de Harlow est parfois justifiée par le fait qu’elle fournit des informations précieuses sur le développement de l’attachement et du comportement social. À l’époque de la recherche, la croyance dominante était que l’attachement était lié aux soins physiques (c’est-à-dire à la nourriture) plutôt qu’aux soins émotionnels.

On peut affirmer que les avantages de la recherche l’emportent sur les coûts (la souffrance des animaux). Par exemple, la recherche a influencé le travail théorique de John Bowlby, le psychologue le plus important de la théorie de l’attachement.

Elle pourrait également être considérée comme essentielle pour convaincre les gens de l’importance des soins émotionnels dans les hôpitaux, les foyers pour enfants et les crèches.

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